LES EAUX NOIRES
LES EAUX NOIRES
André Delons - Poète du Grand Jeu
(2014), 26 min,
Réalisé par Nicolas Droin et Prosper Hillairet
Entretiens : Alain Virmaux, Simone Delons, Catherine Delons.
Textes d'André Delons dits par Valentin Johner
La jeune femme : Jeanne Ben-Hammo
André Delons, poète, membre du Grand Jeu (Roger Vailland, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte), groupe proche des Surréalistes, est né en 1909 et disparait en mer en 1940, entre La France et l’Angleterre. Il habitait à la fin de sa vie dans l’Ile Saint Louis.
Les Eaux Noires sont une évocation/dérive autour d’André Delons. En suivant les échanges entre Alain Virmaux, historien du surréalisme et Simone Delons, nièce du poète, et Catherine Delons, écrivain, le film retrace les grands moments de sa vie, des premiers poèmes dédiés à sa cousine, la peintre Jacqueline Lamba, qui deviendra la femme d’André Breton, à sa disparition en mer, en passant par son activité de critique de cinéma et ses collaborations à différentes revues comme la revue du Grand Jeu, et les thèmes de sa poétique.
Les Eaux Noires sont, après Tumulte aux Ursulines (La Première de La Coquille et le Clergyman, Artaud/Dulac) Matricule 262 602 (Artaud à Ville-Evrard), Colette au Palais-Royal, le 4ème film de la série, conduite par Nicolas Droin et Prosper Hillairet, « Alain Virmaux, un archiviste du feu », où Alain Virmaux s’entretient, in situ, avec des spécialistes du sujet de chaque film. Les Eaux noires nous entraînent donc, en une déambulation dans l’Ile Saint Louis, à la recherche du poète.
"La mer avait peur de remuer
Trop lourde
Il fallait se taire
Il fallait aussi dormir
Alors sur le visage quelque chose, une étincelle
Tombait, et des dizaines à la suite, serrées comme
Une escadrille
Tombaient."
André Delons
L’île Saint Louis
dans Aurélien d'Aragon
« - Ce n’est pas une garçonnière, c’est un point de vue…
La maison faisait la proue de l’île vers l‘aval, où la rive se termine par un bouquet d’arbres, et un tournant solitaire et triste où viennent s’accouder les amoureux et les désespérés.
(…)
Le dernier lambeau de jour donnait un air de féérie au paysage dans lequel la maison avançait en pointe comme un navire. On était au dessus de ces arbres larges et singuliers qui garnissaient le bout de l’île, on voyait sur la gauche la Cité où déjà brillaient les réverbères, et le dessin du fleuve qui l’enserre, revient, la reprend et s’allie à l’autre bras, au-delà des arbres, à droite, qui cerne l’île Saint Louis.
(…)
Paris vu de son cœur, à son plus mystérieux, avec ses bruits voisins, estompés par le fleuve multiple où descendait une péniche aux bords peints au minium, avec du linge séchant sur des cordes, et des ombres qui semblaient jouer à cache-cache à son bord … le ciel aussi avait son coin de minium.
Et tout d’un coup, tout s’éteignit, la ville devint épaisse, et dans la nuit battit comme un cœur. »
« J’habitais ici au pli du coude du fleuve »
« La Seine parle tout le temps, tout le temps du suicide … Ce qu’elle roule … et ces cris des chalands … ce qui me bouleverse, c’est de devoir maintenant … me représenter le sens, continuellement, de cette eau qui coule, de ce sang bleu, devant moi … »
« Des mariniers avaient retiré de l’eau une pauvre femme, dans une robe de bal, figurez-vous, et il ne devait pas y avoir longtemps qu’elle était dans la Seine »
« Longuement il regarda couler, jaune, trouble, froide, équivoque, la Seine. Une robe de bal … pourquoi ? Quel drame d’ombre et de scintillement au fil de l’eau, quel mystère vulgaire et profond ? Quel besoin de robe ont donc les noyées ? N’est-on pas nu dès qu’on est enveloppé par le fleuve …»
« Il y avait plus de quatre mois qu’Aurélien filait à la dérive. Le Bateau de l’Ile Saint Louis semblait emporté dans un courant de la durée, sans but, sans raison apparente, échouant à tous les bancs de sable pour repartir dans des tourbillons de mémoire. »
L'île Saint Louis
par Leo Ferré