LA RUE
LA RUE
LE MONDE D'EN HAUT
« J'étais encore adolescent quand j'ai vu mon premier film. (…) Ce qui m'avait si profondément remué, c'était une banale rue de banlieue, que le jeu des ombres et des lumières transfigurait. Quelques arbres se dressaient ici et là et au premier plan une flaque reflétait d'invisibles façades de maisons et un coin de ciel. A un moment un souffle de vent fit bouger les ombres et les façades avec le ciel au-dessous d'elles se sont mises à ondoyer. Le monde d'en haut qui tremblait dans la flaque sale : cette image ne m'a plus jamais quitté »
Siegfried Kracauer, Théorie du film (Flammarion)
L'ACCIDENTEL
« La rue que nous avons déjà caractérisée comme le lieu des impressions fluctuantes, nous intéresse ici en tant que milieu ou l'accidentel l'emporte sur le providentiel, où il est pratiquement de règle que l'événement prennent la forme de l'incident inattendu. Aussi étonnant que cela puisse paraître, depuis l'époque des Lumière, très rares sont les films cinématographiques qui ne comportent pas ne serait-ce que quelques vues rapides d'une rue, pour ne rien dire des nombreux films dans lesquels la rue tient un rôle de protagoniste »
Siefried Kracauer, Théorie du film (Flammarion)
LE FLUX DE VIE
"La rue au sens large n'est pas seulement le théâtre des impressions fugitives et des rencontres de hasard, mais le lieu où le flux de la vie est amené à se manifester comme tel"
Siefried Kracauer, Théorie du film (Flammarion)
REGARDER AU DEHORS
"Je crois maintenant que quelqu'un qui travaille dans le domaine de la création doit regarder au dehors, aller dans la rue, se confondre avec le reste du monde."
Michelangelo Antonioni
(cité par Suzanne Liandrat-Guigues dans Modernes flâneries du cinéma)
INTERIEUR / EXTERIEUR
"Si nous observons la rue à travers la fenêtre, ses bruits sont atténués, ses mouvements sont fantomatiques et la rue elle-même, à cause de la vitre transparente, paraît un être isolé palpitant dans un "au-delà". Mais que l'on ouvre la porte : nous sortons de l'isolement, nous participons de cet être, nous y devenons agissants et nous vivons sa pulsation par tous nos sens. L'alternance continue du timbre et de la cadence des sons nous enveloppe, les sons montent en tourbillon et subitement s'évanouissent. De même, les mouvements nous enveloppent - jeu de lignes et de traits verticaux et horizontaux, penchés par le mouvement en directions différentes, jeu de taches colorées qui s'agglomèrent et se dispersent, d'une résonance parfois aiguë, parfois grave."
Wassily Kandinsky, Point et ligne sur plan
"Dans la rue pleine d'un soleil vague, il y a des maisons immobiles et des gens qui marchent, une tristesse pleine d'épouvante me glace.
Je pressens un événement de l'autre côté des façades et des mouvements"
Alvaro de Campos
"Janvier 1965. La nuit tombait vers 6 heures sur le carrefour de Boulevard d'Ornano et de la rue Championnet. Je n'étais rien, je me confondais avec le crépuscule, ces rues."
Patrick Modiano, Dora Bruder, 1997
"Si je vous disais que certains soirs, derrière ce mur, là, et ben, j'ai vu, pas cru voir
Un Singe en hiver